Des ciels basculés pour des lendemains à l’endroit

 

Penser le monde à l’envers

Une autre manière artistiquement snoraude d’entrevoir l’après-pandémie consiste à regarder l’univers à partir d’une perspective différente. Pourquoi ne pas inverser le haut et le bas ? Permuter la colonne vertébrale de notre relation de la terre au ciel ? Si nous aspirons à changer le monde – idéal persistant –, changeons-en la disposition !

 

Nous avons déréglé la planète, et notre humanité par la bande, de toutes les façons possibles. Comme si, sur la table de travail de l’organisation du vivant, on avait improvisé un plan directeur composé de lignes tracées dans toutes les directions, un peu n’importe comment. Pour y remettre un peu d’ordre, on pourrait commencer par réduire ce plan à une ligne droite verticale. Est-ce que le fait de «revirer le monde à l’envers», quasi littéralement, peut contribuer à entrevoir des actions dégagées des ornières habituelles ?

 

Posture 1 – le culbutage

Les images du vidéo ci-joint offrent deux points de vue. D’abord, il y a cette posture où un personnage flotte, suspendu, tête en bas, dans un monde lui aussi inversé. Sans assises. Avec le sang qui lui remonte au cerveau, activant ses neurones au maximum. Pour cette personne, son environnement lui apparaît toujours à l’endroit, bien qu’elle ne peut manquer de remarquer qu’il vacille, également déstabilisé.

 

Les évènements récents nous amènent à nous rendre davantage compte que rien n’est immuable. Je fais des rêves horribles ces temps-ci dans lesquels il m’arrive des malheurs incroyables que je n’aurais jamais imaginés éveillée. Qui me font réaliser brutalement ma crainte inconsciente de voir notre monde familier basculer d’une façon imprévisible. Une terreur profonde… en dépit des «ça va bien aller».

 

Posture 2 – la perspective

Et il y a le regard de la personne qui observe la scène, qui dispose du recul nécessaire pour entrevoir autrement. Si nous nous visualisons dans cette nouvelle configuration, nous réalisons alors que les éléments naturels et humains nous surplombent. Vont-ils nous aplatir, aspirés par la force de la gravité ? Descendre inexorablement vers nous, telle une menace solide ?

 

Loin de moi l’idée de générer d’autres catastrophes, mais cette posture exacerbe le sentiment de précarité de notre existence. Si nous avons toujours sous les yeux des visions inversées, finiront-elles par devenir la norme et guider le choix de solutions plus équitables ?

 

Les échelles

Un axe vertical qui vient à l’esprit est celui de l’échelle sociale. Quand on atteint son sommet, on ne distingue plus les échelons à la base, et l’on adopte un ordre du jour qui n’est pas celui du reste de la population. Les fractures qui traversent la société n’ont jamais été aussi apparentes. Je me réjouis que des métiers, humbles et invisibles, prennent le haut du pavé, deviennent appréciés à leur juste valeur. Cela durera-t-il ?

 

Pour cela, opérons une ascension inversée : les personnes au pouvoir descendent les escaliers qui les maintiennent au sommet alors que les autres se retrouvent tout en haut. Je me plais à me représenter des politiciens, mettons – exemple extrême jouissif – Trump dans un 3 ½ dans le Bronx, qui retourne chaque soir vivre dans son petit appartement. Nos ministres et nos entrepreneurs /entrepreneuses pourraient travailler dans une fabrique de portes et fenêtres et réaliser, en regardant leur chèque de paie famélique, que même une bouteille de vin «pas chère, une aubaine» à 10$, leur est inaccessible.

 

Je pense à cette autre forme d’inversion, cette fois sur l’échelle du temps : «Les aînés ne sont pas derrière nous. Ils sont devant nous. Les aînés ne sont pas notre passé. Ils sont notre avenir», comme écrivait récemment Stéphane Laporte dans La Presse (18 avril 2020). Car le nouveau-né d’aujourd’hui aura 70 ans un jour. (Une parenthèse : ça me tape, cette catégorisation stigmatisante des «aînés». Il y a davantage de personnes âgées actives sur tous les plans, autonomes, pourtant on croirait ces temps-ci que ce groupe est globalement diminué, invalide.)

 

Ne pas laisser le ciel s’effacer

Pour en revenir à cette position inversée où nous avons la tête dans le ciel, cette vision infernale devenue «la norme» peut nous mener à agir en conséquence. Nous pouvons entrevoir de prendre nous-mêmes en charge cet espace, de nous en responsabiliser. On se défait du «Notre Père qui êtes aux cieux», on s’éloigne de toutes ces instances politiques et économiques bien-pensantes, même scientifiques, qui veulent dicter nos règles de conduite. La lumière viendrait cette fois d’en bas.

 

PognéEs dans cette posture, nous n’acceptons plus que le ciel rétrécisse à tout jamais, nous plongeant dans une obscurité terrible. Nous souhaitons protéger son bleu profond, faire reculer le poids des contraintes pour préserver cette grande respiration à l’air libre.

 

L’après-pandémie ne peut être considéré comme un retour à la normale, mais une invitation à envisager un renversement des priorités. Des défis importants nous attendent dans la quête d’un projet de société basé sur d’autres paramètres que ceux d’un capitalisme sauvage. Il y aura bien des obstacles, mais adopter une posture davantage créative pourrait amener la disparition de quelques nuages.

 

Et profitons des soirs d’orage, de ces réservoirs aériens chargés de fureur, pour faire jaillir des brides de lueur…

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