Ayoye ! Ça a cogné fort !

 

Dans le brouillard, et bang !

Il semble que nous devions collectivement frapper un mur,

rentrer tête première dedans ben comme il faut

pour enfin réagir.

Devant le mur de la pandémie,

nous nous sommes heurtéEs,

le corps étourdi, chancelant.

Se cogner contre une surface rigide et intransigeante est douloureux pour le squelette. Le choc est d’autant plus brutal si on courait avant de la percuter.

 

Peu importe la nature véritable de la crise actuelle, je retiens que la population mondiale est capable de se mette au diapason pour adopter des mesures drastiques quand il le faut. Nous sommes maintenant tous coincéEs sur cette même route, à l’étroit, acculéEs. Devant l’obligation de se secouer pour ne pas crouler sur place.

 

Ce mur, il était pourtant déjà devant nous tout ce temps, mais une brume collective, insouciante, nous empêchait d’en discerner les contours. La hantise d’un malin petit virus a ajouté la dernière brique à l’état désastreux de la planète et fait en sorte de le dresser sur notre route. Alors seulement, l’affolement provoqué a mis en œuvre des moyens inégalés pour y faire face.

 

Pourquoi pas avant ?

Comment se fait-il que nous n’ayons pas détecté plus tôt que notre parcours effréné se buterait à un obstacle ? Nous aurions pu emprunter des chemins de traverse, dégagés de toute obstruction, mais nous avons continué à suivre la même route (même pas libres de faire autrement bien souvent), car on nous faisait miroiter les merveilles qui nous attendaient au bout.

 

Pourquoi la répétition «ben fatigante» des appels à l’urgence n’a pas suscité une telle mobilisation? On savait déjà que 25 000 personnes meurent de faim chaque jour sur la planète, qu’il y a plus de plastique que de poissons dans les océans, que plus de 2000 arbres sont abattus chaque minute, etc. J’aurais aimé assister à des points de presse quotidiens pour des mesures visant à faire disparaître la pauvreté ou à réduire les énergies fossiles, jusqu’à ce que les chiffres indiquent l’atteinte de ces objectifs. Dans mes rêves…

 

«Pourquoi ne réagissons-nous pas ?», se pose Cyril Dion dans Petit manuel de résistance contemporaine. Selon lui, il faut changer le récit qui conditionne nos vies sans que nous en ayons forcément conscience, construire de nouvelles fictions inspirantes, imaginer des façons de vivre contagieuses, autres que celles concentrées à faire tourner la machine économique. Ces récits peuvent être portés par des artistes, mais également par toute personne qui innove, invente, sort de l’ordinaire…

 

Si on peut se réjouir d’avoir une raison pour se mobiliser, on peut cependant craindre que la confusion et l’incertitude dans la gestion de cette crise ne fassent qu’aggraver la situation. Les instances de décision prennent actuellement des mesures en tâtonnant dans le noir, leurs mains à la recherche des briques de ce mur à enlever une à une. Comme dans le tableau La parabole des aveugles de Brueghel L’Ancien : six aveugles marchent l’un derrière l’autre, chacun se guidant sur celui qui le précède. Le premier est tombé dans le fossé et le suivant s’apprête à faire de même. Bientôt tous les aveugles vont également trébucher…

 

Un mur qui en érige d’autres

Ce mur ingrat en a rajouté une couche avec le confinement entre quatre murs. Instaurant un rapport avec les autres via le mur-écran de nos appareils électroniques. Jamais n’a-t-on vu autant de cloisons de toutes sortes limitant les contacts humains. Empêchant de tenir la main d’une personne mourante. Autant de vitres à travers lesquelles les gens s’échangent des caresses, des encouragements. La situation a aussi amené à réclamer d’autres barrières, à fermer des frontières entre des pays.

 

Appelons-le également le mur des disparités, car il a exacerbé les discriminations déjà présentes dans nos sociétés. Si ce mur de la crise planétaire touche tout le monde, certains groupes sont plus touchés que d’autres. 10 % de la population québécoise ne parvient pas à couvrir ses besoins de base, même en temps normal, et est plus sensible aux imprévus pouvant abaisser son revenu (maladie, licenciement). Des situations déjà peu enviables deviennent quais insupportables : espace vital réduit, carences alimentaires ou affectives, absence de connexion internet… une surcharge de travail, essentiel mais à haut risque, dans des professions majoritairement occupées par des femmes ou des personnes issues de l’immigration. Pour qui le télétravail n’est même pas une option. L’arrondissement de Montréal-Nord compte parmi les communautés les plus pauvres du pays, et est celui le plus frappé par la pandémie à Montréal.

 

Se préparer à s’endurcir la couenne

On a adopté des mesures exceptionnelles pour ralentir la propagation du virus, du jamais vu ! Applaudissons ce mur qui nous oblige à prendre radicalement conscience de l’état lamentable et dramatique de notre situation sur cette terre. J’aimerais que se dressent d’autres murs, infranchissables à moins d’adopter des mesures aussi drastiques pour contrer la pauvreté, les changements climatiques, etc. Plein de murs, amenez-en ! Si c’est ce que ça prend pour nous replacer le ciboulot. Malgré les bleus au corps qu’ils vont occasionner à force de s’y cogner. Aimons-les, ces murs qui dérangent notre confort, nos privilèges. Car ils obligent à les démanteler.

 

Mais le danger est grand également que nous nous habituions à ces murs. Qu’ils deviennent une normalité. Que nous fassions des pique-niques à leurs pieds, du moins les personnes aux paniers bien garnis. Ou que nous fassions la grande échelle, les pieds sur les épaules de la personne au-dessous de soi, jusqu’à atteindre le sommet et permettre à d’autres de passer par-dessus. La place sur ces échelons est peut-être déjà désignée d’avance. L’humain est capable de s’accommoder des obstacles et d’accepter que quelques groupes privilégiés en tirent profit. Cette vision de notre histoire est probable. Nous allons peut-être nous la raconter plus tard. Elle commencerait ainsi : «Il y avait une fois un mur qui s’était dressé sur notre chemin en 2020. Nous avons appris à vivre avec…»

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