Pour cet article, je ne pouvais ignorer l’actualité des derniers jours. Mais je vais me taire et écouter.
C’est Layla Saad qui va parler ici. Voici des extraits traduits de son cahier d’exercices Me and White Supremacy [Moi et la suprématie blanche], publié par la suite aux éditions Sourcebooks.
Crédit : www.laylafsaad.com
www.meandwhitesupremacybook.com
Instagram @laylafsaad
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Le cahier Me And White Supremacy est un outil de lutte contre le racisme personnel qui a été conçu pour vous aider à prendre en charge votre complicité dans le système oppressif de la suprématie blanche, et pour vous aider à prendre la responsabilité de démanteler la façon dont ce système se manifeste en vous de manière subtile. Pas ces Blancs là-bas. Pas les Blancs comme un collectif. Mais vous. Juste vous.
Ce cahier est destiné aux personnes qui veulent créer le changement dans le monde en activant le changement en elles-mêmes d’abord, qui veulent découvrir, examiner et démanteler leur suprématie blanche intérieure et leur racisme intériorisé.
La suprématie blanche est un système dans lequel vous êtes né, qui vous a accordé des privilèges, une protection et un pouvoir non acquis. C’est aussi un système qui a été conçu pour vous garder endormi et « inconscient » de ce que ce privilège, cette protection et ce pouvoir ont signifié pour les gens qui n’ont pas le privilège d’être blancs. Mais ce que vous pouvez faire, c’est de vous réveiller de ce qui se passe vraiment, défier votre complicité dans ce système et travailler à le démanteler en vous-même et dans le monde. Ce travail consiste à faire face à votre part d’ombre qui a intériorisé le racisme, malgré votre identité consciente en tant que personne « bonne » et autoqualifiée de « non raciste ».
Cela commence par prendre la responsabilité de votre propre impact, afin que ce travail de réflexion ne devienne pas un moyen pour vous d’afficher à quel point vous êtes une bonne personne.
La capacité de choisir si, quand et comment vous voulez travailler contre le racisme est en soi un privilège blanc. C’est un privilège de dire : « Je m’occuperai du racisme lorsque cela me conviendra. »
Questions et considérations
- Comment tirez-vous profit du privilège d’être une personne blanche ? Pourquoi avez-vous conservé cet avantage, même si vous saviez le tort qu’il cause ?
- On parle de silence blanc quand des personnes avec des privilèges blancs restent silencieuses de façon complice quand surviennent des enjeux raciaux. Ce silence n’est pas neutre. Il consiste à regarder dans l’autre sens et à protéger votre privilège – continuant ainsi à maintenir la suprématie blanche. Par exemple, ne pas partager de messages sur les réseaux sociaux dénonçant le racisme parce que cela pourrait affecter votre vie personnelle ou professionnelle; ne pas parler de son opinion sur le racisme de crainte de perdre des amis ou de la famille.
- La notion de fragilité blanche réfère à un état dans lequel même un minimum de stress racial devient intolérable, déclenchant une série de mouvements défensifs. Cela se manifeste lorsqu’une personne blanche prend la position de victime.
Comment avez-vous utilisé votre fragilité contre les personnes noires, autochtones ou de couleur par exemple, en appelant les autorités, en se plaignant, en prétendant qu’on vous blesse (« On m’humilie ! », « Je me sens attaqué ! ») ?
Quelles crises émotionnelles avez-vous eues pendant des interactions raciales ? Vous vous êtes refermé, vous vous en êtes lavé les mains et fait semblant que rien n’était arrivé en espérant que personne ne le remarquerait ?
- La «police de la langue» est une tactique utilisée par les personnes qui ont le privilège d’en réduire d’autres au silence en se concentrant sur le ton de ce qui est dit plutôt que sur le contenu. C’est aussi demander que le racisme vous soit présenté sous une forme qui vous est confortable et ne menace pas votre fragilité blanche. Lorsque vous insistez sur le fait que vous ne donnerez pas de crédibilité aux personnes noires, autochtones et de couleur tant qu’elles ne parleront pas sur un ton qui vous convient (plus modéré, par exemple), même si ce dont elles parlent est vrai, alors vous soutenez l’idée que vos normes en tant que personne blanche sont supérieures.
Comment avez-vous écarté la douleur réelle des personnes noires, autochtones et de couleur éprouvant du racisme parce que la façon dont elles en parlent ne correspond pas à votre vision du monde, à la façon dont les gens « devraient » parler ?
- Voici quelques exemples de supériorité blanche en action :
– lire principalement des livres d’auteurs blancs
– apprendre principalement de dirigeants blancs, les soutenir.
- L’exceptionnalisme blanc est la croyance que vous en tant que personne blanche êtes exemptée de toute forme de suprématie blanche. Que vous êtes « l’une des bonnes personnes ».
L’exceptionnalisme blanc est particulièrement répandu parmi les personnes progressistes, libérales, spirituelles blanches qui croient que le fait de se définir ainsi les place au-dessus de tout. Vous ne l’êtes pas. Et la croyance que vous l’êtes vous rend dangereux pour les personnes noires, autochtones et de couleur parce que vous ne pouvez pas voir votre propre complicité.
Si vous croyez que vous êtes une personne exceptionnelle, vous continuerez de faire du mal. Vous n’êtes pas une personne blanche exceptionnelle. Vous n’êtes pas exempté du conditionnement de la suprématie blanche, des avantages du privilège blanc et de la responsabilité de continuer à faire un travail de réflexion pour le reste de votre vie. Le moment où vous commencez à penser que vous êtes une personne exceptionnelle est le moment où vous commencez à vous détendre dans le confort chaleureux et familier de la suprématie blanche.
- Le daltonisme fondé sur la race consiste à dire que les différences de couleur de peau ne comptent pas pour vous. Cet énoncé, « Je ne vois pas la couleur», est violent. Il est violent parce que ça dit : «Je ne te vois pas pour qui tu es. Je choisis d’effacer toutes les parties importantes de ton identité qui font de toi ce que tu es.» Il est violent parce qu’il efface les identités des personnes noires, autochtones et de couleur, effaçant ainsi aussi les expériences vécues par le racisme.
Vous voyez la couleur. Vous choisissez de faire semblant de ne pas la voir pour ne pas avoir à faire face à l’éléphant dans la pièce – votre privilège blanc et votre complicité dans la suprématie blanche.
Vous devez apprendre à voir la différence raciale comme juste cela – une différence – sans attacher une étiquette de « bon » ou de « mauvais » à cette différence.
- La tokénisation se produit lorsque des personnes noires, autochtones et de couleur sont utilisées en tant qu’accessoires pour servir la suprématie blanche.
Il y a trois types de situations qui me viennent à l’esprit :
– Lorsqu’une organisation ou un événement majoritairement blanc engage quelques « pions » (des personnes noires, autochtones ou de couleur) pour donner l’illusion de la « diversité », sans s’engager à la lutte contre le racisme dans leur pratique
– Lorsqu’une personne ou une organisation privilégiée attend d’une personne noire, autochtone ou de couleur qu’elle assume le travail émotionnel de discuter et de travailler sur toutes les questions liées au racisme, la réduisant ainsi simplement à sa race
– Lorsqu’une personne de race blanche utilise sa proximité avec une personne noire, autochtone ou de couleur pour « prouver » qu’elle ne peut pas être raciste. Par exemple, je ne peux pas être raciste parce que mon partenaire / enfants / membres de ma famille / meilleurs amis, etc. sont des personnes noires, autochtones ou de couleur.
Dans tous les cas, la personne noire, autochtone ou de couleur est utilisée comme accessoire symbolique pour prouver qu’on n’est pas raciste.
- Voici une liste non exhaustive d’exemples d’actions qui donnent une illusion de solidarité sans opérer de réel travail de réflexion :
– sauter dans le train en marche de l’activisme sans faire de vrai effort travail de réflexion sur votre racisme personnel
– afficher des messages contre le racisme et démontrer une forme de vertu afin que tout le monde sache que vous êtes un allié, mais en ne faisant pas beaucoup plus de travail que cela
– prendre ses distances par rapport à sa propre suprématie blanche en se plaignant continuellement à quel point les autres Blancs sont horribles
– s’accrocher à des symboles, des hashtags, partager des posts sur les réseaux sociaux, etc. au lieu de faire un travail profond de réflexion.
Ces comportements tournent toujours autour de vous, de comment ils vous font bien paraître.
- Si votre plus grand désir est d’être considéré comme une «bonne personne blanche», alors votre plus grand cauchemar est d’être remis en cause et accusé de racisme. Les réactions courantes dans ce cas sont :
– se mettre sur la défensive, minimiser, dérailler, gémir, se taire, quitter radicalement l’espace ou la conversation, s’enfuir
– parler de la façon dont la personne qui vous remet en question ne « connaît pas le fond de votre cœur »
– et autres réactions de fragilité blanche qui vous centrent en tant que victime, et non comme celle qui a causé du mal.
Êtes-vous bien équipé pour gérer cette remise en question d’une manière qui vous aidera à aller de l’avant, ou est-ce que cela va simplement vous conduire à vous effondrer et revenir à des pensées et des comportements suprématistes blancs ?
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Autre référence :
le podcast Racisme, George Floyd, Histoire des noirs de Sans Filtre avec le rappeur, auteur et conférencier Webster (https://www.youtube.com/watch?v=opESqpLcCoM)